Cérémonie de lancement des réparations collectives, Tombouctou, le 6 juillet 2022 (©Hameye Touré).

Bamako, La Haye, le 12 juillet 2022 - Dix ans après la destruction des mausolées de Tombouctou, les réparations apportées aux victimes se poursuivent dans l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, qui doit être libéré le 18 septembre prochain. Après les réparations symboliques et les réparations individuelles, le Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale et ses partenaires ont procédé au lancement des réparations collectives à Tombouctou, le 6 juillet, en présence des autorités de la région et de la ville.

 

 «C’est un symbole fort que de lancer les réparations collectives précisément dix ans après la commission de ce crime de guerre. Si le Mali fait toujours face à une crise importante et que la situation sécuritaire dans la région de Tombouctou reste très précaire, cela montre toutefois qu’une justice est possible et que le droit des victimes aux réparations peut et doit être garanti. Aujourd’hui, le patrimoine culturel et religieux qui a été visé dans ces attaques est aujourd’hui debout et au coeur de la vie quotidienne de la communauté de Tombouctou, qui va pouvoir bénéficier de mesures concrètes pour répondre au préjudice subi », a déclaré Ibrahim Sorie Yillah, Vice-président du Fonds au profit des victimes.

 

Depuis l’exécution des réparations symboliques, qui se sont tenues le 30 mars 2021 à Bamako, plus de 880 victimes ont pu bénéficier de réparations individuelles, conformément à la décision des juges de la Cour en ce sens. A présent que les réparations individuelles sont presque achevées, et que les consultations nécessaires ont pu être menées auprès de la communauté de Tombouctou, les réparations collectives vont pouvoir débuter.

 

Le 6 juillet 2022, le Fonds au profit des victimes et ses partenaires, CFOGRAD, l’UNESCO et CIDEAL, ont procédé au lancement de ces réparations lors d’une cérémonie qui s’est tenue à l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba de Tombouctou, en partenariat avec les autorités locales et régionales et en présence du Représentant au Mali de la Cour pénale internationale. Le Canada et la Norvège, qui contribuent au programme de réparation du Fonds au profit des victimes, étaient également représentés à cette occasion.

 

Ces réparations consistent en trois dispositifs : i) la restauration du patrimoine culturel (UNESCO) ; ii) des commémorations pour répondre au préjudice moral causé à la communauté de Tombouctou (CFOGRAD) ; iii) un dispositif de résilience économique pour répondre au dommage causé à l’économie de Tombouctou par la destruction de son patrimoine culturel (CIDEAL).

 

« Les réparations collectives revêtent une importance particulière, car elles sont très attendues par l’ensemble de la communauté, après les réparations individuelles qui n’ont concerné qu’un nombre limité de bénéficiaires, en raison de leur lien particulier avec les mausolées détruits. Parmi ces réparations, les commémorations joueront un rôle central dans la transmission aux futures générations du rôle et de l’importance de notre patrimoine » a déclaré Aboubacrine Cissé, Maire de Tombouctou, lors de la cérémonie de lancement.

 

Aboubacrine Cissé, Mayor of Timbuktu, Ibrahim Sorie Yillah, Vice-Chairman of the Trust Fund for Victims, and Nouhoum Sangaré, Head of the ICC Office in Mali, at the launch ceremony in Timbuktu on July 6, 2022 (©Hameye Toure)

Aboubacrine Cissé, Maire de Tombouctou, Ibrahim Sorie Yillah, vice-président du Fonds au profit des victimes, et Nouhoum Sangaré, Chef de Bureau de la CPI au Mali, lors de la cérémonie de lancement à Tombouctou, le 6 juillet 2022 (©Hameye Toure).

 

Pour soutenir les initiatives de commémoration, CFOGRAD, organisation partenaire du Fonds, a mis en place des comités participatifs de commémoration dans l’ensemble de la ville, qui associent toutes les couches de la population à la réflexion sur la mémorialisation. De premières propositions ayant été élaborées par les différents comités, il s’agit désormais de les partager et de les consolider avec les autorités administratives et politiques de Tombouctou, pour définir ensemble la forme que prendront ces commémorations.

 

« Commémorer ne va pas de soi, et pose de nombreuses questions. Que voulons-nous commémorer ? La destruction de notre patrimoine ? Sa reconstruction ? Quelle forme cela doit prendre, et comment cela peut-il s’intégrer dans notre vie et dans notre communauté, pour avoir du sens et se transmettre aux générations à venir ? C’est à cela que doivent répondre les comités de commémoration, en lien avec les autorités de la ville et de la région. Et c’est à cette condition que les commémorations seront porteuses d’une dimension réparatrice pour notre communauté, dans l’esprit de la décision des juges de la Cour pénale internationale », a déclaré Alpha Touré, Directeur de CFOGRAD.

 

Dans le même temps, le Gouverneur de la Région de Tombouctou, M. Bakoun Kanté, a mis en place, le 5 juillet 2022, une Commission régionale de coordination et de suivi des mesures de réparations collectives [Décision jointe en annexe], chargée d’accompagner le dispositif mis en place par le Fonds au profit des victimes. Le soutien des autorités de la ville devra permettre de faciliter la mise en oeuvre des activités, tant pour les commémorations, que pour le soutien économique et la restauration du patrimoine.

 

« Le patrimoine détruit à Tombouctou est d’une valeur universelle exceptionnelle. Dans le cadre de son mandat, l’UNESCO a déjà largement contribué à sa reconstruction. En accompagnant le Fonds au profit des victimes dans l’exécution d’une décision historique de la justice pénale internationale en faveur du patrimoine culturel, au moment où celui-ci est menacé dans de nombreuses régions du Monde, l’UNESCO entend aller plus loin dans la réhabilitation de ce qui constitue une part importante de l’identité de cette ville et de ses habitants », a déclaré Edmond Moukala, Représentant de l’UNESCO au Mali.

 

Recollection at the Three Saints Cemetery with descendants of the Saints, on the eve of the launch of collective reparations, July 5, 2022 (©Hameye Touré).

Recueillement au cimetière des trois Saints avec des descendants des Saints, à la veille du lancement des réparations collectives, le 5 juillet 2022 (©Hameye Touré).

 

Le 26 septembre 2016, M. Ahmad Al Faqi Al Mahdi était reconnu coupable par la Cour pénale internationale du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments religieux et historiques et condamné à neuf ans d'emprisonnement. Depuis lors, il purge sa peine. En novembre 2021, la CPI a décidé de sa libération anticipée, qui interviendra le 18 septembre 2022.

 

« Dans l’affaire Ahmad Al Faqi Al Mahdi, qui touche à sa fin avec la mise en oeuvre des réparations et sa libération prochaine, comme dans toutes ses procédures, au Mali ou ailleurs, la Cour pénale internationale agit en complémentarité avec l’État concerné. Dans le sillon du travail de la Commission Vérité Justice et Réconciliation, le Mali s’est doté d’un ambitieux programme de réparation au niveau national. Le lancement des réparations collectives s’inscrit pleinement dans cette dynamique en faveur des droits des victimes à la réparation », a déclaré Nouhoum Sangaré, Représentant, Chef des Bureaux de la Cour pénale internationale en Côte d’Ivoire et au Mali.

 

Pour plus d'informations sur le Fonds au profit des victimes, veuillez contacter: trustfundforvictims@icc-cpi.int ou consulter: www.trustfundforvictims.org

 

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La Cour a fixé la responsabilité de M. Ahmad Al Faqi Al Mahdi à 2.7 millions d’euro (soit environ 1.770.000 FCFA) en faveur des victimes de son crime. M. Al Faqi Al Mahdi ayant été déclaré insolvable, il revient au Fonds au profit des victimes de financer le programme de réparations. Le Canada et la Norvège, dont des représentants ont accompagné le lancement des réparations collectives à Tombouctou, figurent parmi les principaux contributeurs, à travers des subventions à hauteur de 2,160,494 CAD (1,655,000€ / 1,082,000,000 FCFA ) et 5,000,000 NOK (515,557€ / 319,000,000 FCFA) respectivement. D’autres pays membres de la CPI contribuent à ce programme, dont l’Italie (40,000€ / 26,000,000 FCFA), le Royaume-Uni (34,000€ / 22,000,000 FCFA) et l’Allemagne (110,000 € / 72,000,000 FCFA).

 

Le contenu de ce communiqué relève de la seule responsabilité du Fonds au profit des victimes.

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Annexe: Décision N°2022-0147/GRT-CAB du 5 juillet 2022, portant création d’une commission régionale de coordination et de suivi des mesures de Réparations collectives, relatives à l’entretien et la réhabilitation des bâtiments protégés de Tombouctou, aux cérémonies commémoratives et à l’appui à la relance de l’économie locale dans le cadre du Fonds au profit des victimes.