Minou Tavárez Mirabal,

présidente du Conseil de direction du Fonds au profit des victimes

Déclaration prononcée à l’ouverture de la 21e session de l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale

Décembre 2022

 

Madame la Présidente de l’Assemblée des États Parties,

Monsieur le Président de la Cour,

Monsieur le Procureur,

Monsieur le Greffier,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Distingués délégués des États et représentants de la société civile,

Mesdames et Messieurs,

 

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de m’adresser devant l’Assemblée des États Parties pour la première fois en tant que présidente du Conseil de direction du Fonds au profit des victimes (le « Fonds »). Depuis que les membres du Conseil de direction actuel ont été nommés à la 20e session de l’Assemblée l’an dernier, nous avons vécu une année intense en activités non seulement sur le plan de la stratégie et de la direction en tant que Conseil, mais aussi sur le plan opérationnel pour ce qui est des travaux du Fonds. Nous avons été motivés par notre engagement à faire en sorte que le plus grand nombre possible de victimes bénéficient des activités du Fonds au profit des victimes.

En tant que fonds, notre obligation est, d’abord et avant tout, de lever les fonds nécessaires pour mettre en œuvre nos programmes d’assistance et de réparation. Cette année, le Fonds au profit des victimes a reçu, à ce jour, près de 1,5 million d’euros en contributions volontaires. Depuis sa création, le Fonds a reçu des contributions volontaires de 50 États parties. Je souhaite remercier en particulier les États qui ont fait des contributions ou des promesses de contribution cette année, ainsi que ceux qui sont allés jusqu’à doubler leur promesse.

Excellences, le Conseil de direction invite chacun des États parties à contribuer annuellement aux activités des programmes du Fonds au profit des victimes, et ce, même à titre symbolique. Dans le même temps, nous avons un besoin urgent et important de financement, en particulier dans le but de continuer, pour une troisième année contractuelle, le programme mis en œuvre dans l’affaire Lubanga, pour lequel 2 millions de dollars des États-Unis supplémentaires sont nécessaires. Je vous invite à envisager de faire un don supplémentaire qui, compte tenu de la nature de nos activités, peut provenir d’un fonds d’aide ou de développement.

Afin d’améliorer les résultats de sa collecte de fonds, le Conseil de direction discutera, à l’occasion de sa 13e réunion de 2022 qui commence aujourd’hui, des prochaines étapes concrètes à entreprendre pour augmenter les ressources dont dispose le Fonds au profit des victimes et, par voie de conséquence, celles dont bénéficieront les victimes et les rescapés.

Des fonds supplémentaires sont essentiels.

Les contributions volontaires au Fonds au profit des victimes s’élèvent, en moyenne, à 2,7 millions d’euros par année, ce qui n’est pas suffisant pour compléter les montants des responsabilités fixés par les chambres ou pour poursuivre les programmes pluriannuels en cours.

Notre deuxième priorité concerne assurément les programmes, c’est-à-dire veiller à la mise en œuvre des programmes de réparation. En 2022, le Fonds au profit des victimes a intensifié ses activités de mise en œuvre des réparations ordonnées par la Cour et poursuivi ses activités d’assistance, malgré un engagement financier réduit, en Côte d’Ivoire, en Ouganda, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo.

En juillet 2022, le Fonds au profit des victimes a mis en œuvre des réparations collectives pour la population de Tombouctou, au Mali, dans l’affaire Al Mahdi. Le programme de réparation individuelle s’est poursuivi et, jusqu’à présent, un millier de personnes en ont bénéficié.

À la fin du mois d’octobre 2022, les programmes de réparation ordonnés par la Cour dans les affaires Lubanga et Katanga et les programmes d’assistance menés dans l’est de la RDC, mis en œuvre depuis 2008, avaient touché plus de 52 000 bénéficiaires. Dans l’affaire Katanga, 297 bénéficiaires déterminés par la Chambre de première instance ont reçu des réparations à titre collectif et individuel, et la phase de mis en œuvre tire à sa fin. À ce jour, environ 800 bénéficiaires sont inscrits au programme de réparation collective prenant la forme de prestations de service, qui a été ordonné dans l’affaire Lubanga. La deuxième année contractuelle de ce programme a commencé ce mois-ci, en décembre 2022. Un premier programme de réparation limité pour les victimes dans l’affaire Ntaganda a été offert tout au long de 2022.

Dans le cadre de son programme d’assistance mené en Côte d’Ivoire, le Fonds a également lancé des réparations individuelles, collectives et symboliques en rapport avec 13 incidents d’une gravité particulière visés dans le Statut de Rome. Une cérémonie symbolique sous l’égide du Gouvernement ivoirien a eu lieu en novembre 2022 afin de reconnaître les victimes ayant subi des violences dans le contexte postélectoral à Douékoué, l’un des endroits où le Fonds propose son programme d’assistance.

En septembre 2022, l’ambassade d’Irlande a coorganisé et financé une mission de surveillance dans le nord de l’Ouganda, qui a permis de faire connaître de plus près les activités transformatrices du Fonds dans cette région à trois membres du Conseil ainsi qu’à des représentants de 14 États et de l’Union européenne. Depuis que ce programme a été lancé en 2008, environ 68 000 personnes en ont bénéficié directement. Un événement parallèle à cette mission aura lieu demain, pendant le déjeuner, au cours duquel des témoignages seront présentés par les participants à la mission. J’espère que vous pourrez vous joindre à nous.

Madame la Présidente,

Notre troisième priorité consiste à nous assurer que nos activités sont bien en vue. Au cours des derniers mois, après la levée des restrictions liées à la Covid, le Fonds au profit des victimes a pris des mesures pour accroître la visibilité de ses trois programmes de réparation ordonnés par la Cour et de ses quatre programmes d’assistance en organisant des missions et des événements importants. De cette manière, les donateurs, les États parties et les responsables de la Cour ont pu en apprendre davantage sur les activités du Fonds et de ses partenaires d’exécution, et en apprécier les répercussions. En plus de contribuer à la transparence et à la reddition de compte, la visibilité s’inscrit dans les efforts de collecte de fonds. Nous remercions les donateurs et les participants aux missions effectuées à Tombouctou au Mali, dans le nord de l’Ouganda, à Bunia en République démocratique du Congo et à Bangui en République centrafricaine.

Ces missions ont été bien accueillies en raison de la transparence qu’elles apportent. Les États parties et les victimes demandent au Fonds d’améliorer ses communications. Il sera donc primordial que, même si aucune ressource supplémentaire n’y est prévue, le budget qu’approuvera l’Assemblée nous permette de continuer les échanges avec les communautés, à tout le moins selon le minimum recommandé par le Comité du budget et des finances. Sur ce point, nous souhaitons renforcer nos propres capacités et collaborer avec la Cour et les États parties.

Malgré les progrès importants que nous avons réalisés, des défis de taille nous attendent. En 2020, le Rapport des experts indépendants présentait une évaluation de la performance du Fonds au profit des victimes qui a donné à réfléchir, soulignant le besoin impératif d’améliorer la gouvernance, les approches stratégiques et la collaboration avec la Cour.

À cet égard, le Conseil de direction a pris des mesures nécessaires pour renforcer la gouvernance du Fonds au profit des victimes, tel qu’il est exigé dans le Rapport des experts indépendants et conformément aux décisions du Mécanisme d’examen.

Dans le cadre de la revitalisation du Secrétariat du Fonds au profit des victimes, en avril 2022, le Conseil a poursuivi le plan de transition de direction établi par le Conseil précédent, qui est entré en vigueur le 1er septembre 2022. Le Conseil procède actuellement à la sélection du nouveau Directeur exécutif, dans le cadre d’un processus de recrutement ouvert et concurrentiel. Le comité de sélection constitué à cet effet compte la participation de membres des chambres et du Bureau du Procureur.

Afin de renforcer davantage le Secrétariat, le Conseil a proposé à l’Assemblée des modifications au Règlement du Fonds au profit des victimes afin de définir le mandat du Directeur exécutif et de clarifier les rôles respectifs du Conseil de direction et du Secrétariat. Ces modifications sont en cours d’examen par l’Assemblée.

Madame la Présidente,

Essentiellement, pour remédier aux principales lacunes, le Fonds au profit des victimes a élaboré son nouveau plan stratégique pour 2023-2025 qui est actuellement soumis, avec les autres plans stratégiques de la Cour, à consultation des États et de la société civile.

La nouvelle stratégie tire parti de l’atout le plus important du Fonds : la collaboration avec la Cour, afin que nous puissions constituer, ensemble, le pilier de la justice réparatrice instaurée par le Statut de Rome. 

Ensemble, nous pouvons travailler à établir des réparations transformatrices pour les victimes et avec celles-ci. Ensemble, nous pouvons atténuer les conséquences négatives que peuvent avoir les crimes visés dans le Statut de Rome sur les prochaines générations. Ensemble, nous pouvons œuvrer pour la paix et la stabilité.

Madame la Présidente, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Bien que, tout au long de ce rapport, nous ayons présenté les progrès réalisés et montré notre détermination en tant que Conseil, je ne veux pas édulcorer la réalité. Tous les programmes existants sont actuellement exécutés sur la base de montants contractuels minimaux, et il serait facile d’en multiplier le nombre de bénéficiaires grâce à un financement 

supplémentaire. Nous devons, à titre prioritaire, poursuivre nos efforts visant à recueillir les fonds nécessaires pour compléter entièrement les montants totaux des responsabilités fixés par la Cour dans chacune des affaires. Le Fonds au profit des victimes souhaite également mettre en œuvre des programmes d’assistance dans tous les pays de situation qui relèvent de la compétence de la Cour, sous réserve de la disponibilité des fonds et des ressources. Pour ce faire, une action collective redynamisée de votre part est indispensable.

Comme je l’ai dit à l’occasion du 20e anniversaire de la CPI en juillet 2022, nous ne devons pas perdre de vue que le texte du Statut de Rome repose sur la souffrance des victimes. Pour pouvoir continuer de déclarer que les victimes sont cœur du système du Statut de Rome, nous devons être conséquents dans ces déclarations et les ressources affectées.

Muchas gracias.

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