Communiqué de presse : 27 novembre 2020

De nouvelles mesures en faveur des victimes au Mali

 

Bamako, La Haye, le 27 novembre 2020 – A l’issue d’une mission à Bamako, le Fonds au profit des victimes (FPV) auprès de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé de nouvelles actions de réhabilitation en faveur des victimes au Mali. Ces mesures devront répondre aux préjudices des victimes dans le centre et le nord du pays, en complément de celles déjà engagées à Tombouctou et du processus déployés par l’État malien.

«Les crimes relevant du droit international se sont multipliés au Mali au cours des dernières années, en particulier dans le centre et le nord-est du pays. En attendant que la justice se fasse, nous avons décidé de mettre en place des mesures pour réhabiliter les victimes dans ces régions. Beaucoup d’entre elles se trouvent aujourd’hui dans une situation extrêmement précaire et certaines ont perdu tous leurs biens. Avec cette décision, nous voulons permettre aux survivants d’aller de l’avant et contribuer ainsi au processus de justice transitionnelle » a déclaré Mme Mama Koité Doumbia, présidente du Fonds au profit des victimes.

Le Fonds au profit des victimes mettra en œuvre ce nouveau programme en partenariat avec des organisations implantées au Mali. Les victimes éligibles à ces nouvelles mesures pourront ainsi bénéficier, entre autres, de traitements médicaux, de réhabilitation psychologique, y compris dans le cadre de consultations en cas de traumatisme, et d’appui matériel, notamment pour développer des moyens de subsistance.

Ces mesures, qui devraient être mises en œuvre dès 2021, compléteront les réparations judiciaires décidées par la Cour pénale internationale à l’issue de la condamnation d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi pour la destruction des mausolées et de la porte de la mosquée Sidi Yahia. La décision des juges de la CPI prévoit des réparations judiciaires individuelles, collectives et symboliques, pour la communauté de Tombouctou mais également pour la communauté malienne et la communauté internationale, pour compenser le préjudice subi par la destruction d’un patrimoine mondial de l’humanité. Les premières mesures sont en passe d’être exécutées.

Ces mesures doivent également compléter le dispositif national de justice transitionnelle et de réconciliation. Au cours d’une mission à Bamako qui a permis de rencontrer les autorités gouvernementales, le Fonds au profit des victimes a pu mesurer les efforts engagés par l’État malien pour permettre aux victimes d’obtenir des réparations. Le projet de Politique nationale de réparation, actuellement à l’examen, prévoit ainsi la mise en place d’une Commission d’administration des réparations aux victimes. Cette commission pourrait prendre le relais de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, dont le mandat prendra fin en 2021, et qui a déjà entendu près de 18.000 victimes sur l’ensemble du territoire. Elle pourrait alors proposer des indemnisations et compléter les initiatives de  justice transitionnelle adoptées dans l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger de 2015, qui prévoit également la poursuite des auteurs des crimes les plus graves. L’action du Fonds au profit des victimes sera complémentaire à cette initiative et visera à soutenir l’action de l’État en matière de réparation.

« Bien qu’elles ne remplacent pas les procédures judiciaires auxquelles elles ont droit, ces nouvelles mesures sont de très bonnes nouvelles pour les victimes du Mali, au-delà des victimes de Tombouctou. Au moment où les victimes d’Al Mahdi s’apprêtent à recevoir leurs premières réparations, cette décision est un signal d’espoir pour celles et ceux qui ont été touchés par les crimes les plus graves commis sur l’ensemble du territoire malien » a déclaré Maître Mayombo Kassongo, avocat des victimes dans l’affaire Al Mahdi auprès de la Cour pénale internationale.

Le Fonds poursuivra ses efforts pour mobiliser ressources et partenaires en faveur des victimes maliennes.

 

Contacts Presse :

A Bamako : Aude Le Goff / +223 82 56 43 50 / aude.legoff@icc-cpi.int

A La Haye : Moureen Lamonge / +31 06 19 55 25 69 / moureen.lamonge@icc-cpi.int

Le Fonds au profit des victimes

Bien que distinct de la CPI, le Fonds au profit des victimes a été créé en 2004 par l'Assemblée des États parties de la CPI, conformément à l'article 79 du Statut de Rome. Le Fonds apporte une réponse aux préjudices découlant des crimes relevant de la compétence de la CPI : il veille au respect des droits des victimes et de leur famille en leur apportant une assistance et des réparations. Le Fonds est ainsi chargé d'un double mandat : i) mettre en œuvre les ordonnances de réparation rendues par la CPI et ii) fournir aux victimes et à leur familles un appui physique, psychologique et matériel. En finançant le programme et aidant ainsi les victimes à retrouver une vie digne et à prendre part à la vie de leur communauté, le Fonds au profit des victimes contribue à l'instauration d'une paix durable à long terme en favorisant la justice réparatrice et la réconciliation.

La CPI au Mali

Le Mali a ratifié le Statut de Rome le 16 août 2000 et a renvoyé à la CPI la situation qui prévaut sur son territoire depuis janvier 2012. Après avoir procédé à un examen préliminaire de la situation, le 16 janvier 2013, le Bureau du Procureur de la CPI a ouvert une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali depuis janvier 2012. Deux affaires ont été ouvertes à ce jour :

 

L’Affaire Al Mahdi : Suite à son procès, le 27 septembre 2016, la Chambre de première instance VIII a conclu qu'Ahmad Al Mahdi était coupable du crime de guerre consistant à avoir dirigé intentionnellement des attaques contre des bâtiments à caractère religieux et historiques à Tombouctou, au Mali, en juin et juillet 2012. Elle a condamné Ahmad Al Mahdi à neuf ans d'emprisonnement. Le 17 août 2017, la Chambre de première instance VIII a rendu une ordonnance de réparation fixant à 2,7 millions d’euros la responsabilité de M. Al Mahdi au titre des réparations individuelles et collectives à verser à la communauté de Tombouctou. Le 8 mars 2018, la Chambre d'appel a confirmé, pour la plus grande partie, l'ordonnance de réparation. M. Ahmad Al Mahdi étant indigent, le Fonds au profit des victimes est chargé de compléter les réparations ordonnées. Le Fonds au profit des victimes lancera les activités de réparations en décembre 2020 avec ses partenaires d’implémentations.

L’affaire Al Hassan : un mandat d'arrêt à l'encontre d’Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud a été délivré le 27 mars 2018. Il a été remis à la CPI le 31 mars 2018 et il est actuellement détenu par la Cour.  Son procès s’est ouvert le 14 juillet 2020 devant la Chambre de première instance X pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité prétendument commis à Tombouctou et se poursuit actuellement.